Les humeurs des supporters (8)

OPINIONS Jérôme, c'est un poète!
Il m'écrivait régulièrement à une certaine époque, mais cela faisait bien longtemps qu'il ne m'avait plus envoyé de message.
Avec lui, l'évocation du foot touche au surréalisme belge!

Cher Bomber,

Voici ce que j’ai envie de t’écrire en ce premier vendredi d’automne : la poule aux œufs d’or et la foule aux vœux d’or.

On croyait que tout irait de soi, que Monsieur Coucke, son argent, sa vista des affaires, allaient nous faire sortir de l’ornière, comme ça, d’un coup de cuiller à pot, quitte à utiliser le pied de biche pour évacuer Herman, Moggi, Adidas ou BNP.
Je croyais moi, oui, qu’il fallait attendre un peu, pour que la tactique se peaufine, et avec elle les automatismes, qu’il fallait oser défendre le club, les joueurs, le coach, le mercato, des changements âpres mais sans doute justes, et puis je me disais « Mais oui, Jérôme, ne sois pas défaitiste, soit positif », et puis bon, y avait le Mondial, Diables et paillettes qui illuminaient encore mon cœur de footeux, rien ne pressait, on pouvait voir venir, et on allait voir ce qu’on allait voir.
Oui, j’y croyais, Marc, cot cot cot, la poule aux œufs d’or, je faisais partie de cette foule mauve, celle qui rêve, celle qui voit grand, qui veut grand, oui, nous sommes Anderlecht, ça va venir, les vœux d’or réalisés, vive la poule, vive nous, on va gagner, plus d’inquiétude, le club revit, go !

Et puis, non, comme ça, sans prévenir, quatre matches foireux plus tard, je me laisse aller au défaitisme de la défaite, je vois les feuilles tomber, et je tombe de haut. Marc n’est pas le Messie qui transforme Musona en Lionel, ni le Christ qui transforme Santini en Ronaldo. Ivan le pas si terrible. Hein-nul (mais pas pour nous).  Appiah qu’a pas progressé. Dimata dort. Les jeux de mots me manquent pour te dire que je suis déçu. Déçu.

Que faire de mes vœux d’or ? Que fait la poule ? Où allons-nous ? Et quand ?
Mais non, je me résonne, tout n’est pas perdu, on est en septembre, à peine, on a tout l’automne, puis l’hiver, on va briller, c’est sûr, un jour, il faut laisser le temps au temps, la lumière va revenir, elle n’est pas tout à fait partie, on est prêts, Jérôme, redresse-toi, crois-y, ça va aller !
Mais je n’ai pas envie. J’ai envie qu’on perde contre le Standard, qu’Hein vole une bonne fois à la porte …
Non, ce n’est pas vrai ! Où vais-je ? Pas perdre contre le Standard, pas ça : le supporter que je suis déteste le Standard. Je veux voir mon équipe gagner, que mes yeux brillent, des yeux d’or, qu’on voie du jeu, du beau jeu, des buts (pour nous), que la poule ne court plus les yeux fermés, ni sans tête, que Luc le voit aussi, qu’ils décident, bon sang !

Et puis quoi, non, du calme, on ne sait pas, ça va peut-être aller plus vite que tu ne le crois, Jérôme, ressaisis-toi, enfin !
Je ne sais pas comment ça va finir, ni comment je vais finir ce message : je veux qu’on gagne, c’est tout. Je veux avoir raison : que la poule nous en mette plein la vue, je veux que la foule en ait plein la vue. We are Anderlecht, bon sang !