Mini-Série : Les Revenants de Saint-Guidon - Episode 2 - Vranjes

MERCREDI, 23 SEPTEMBRE 2020, 17:25 - kargamel
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OPINIONS S’il y a bien un joueur qui revient du diable vauvert, c’est Ognjen Vranjes.
Aligné par nécessité contre le Cercle de Bruges et Waasland-Beveren, le rugueux défenseur central a saisi pleinement sa chance. (Re)découverte d’un personnage aux multiples facettes.
 

Ognjen Vranjes est certainement le joueur du noyau du RSCA le plus difficile à cerner et présenter sa carrière a tout d’un véritable parcours du combattant.
Est-ce au fond si surprenant ?
Jugez plutôt : Depuis ses débuts professionnels au FK Borac Banja Luka en 2009 (Bosnie), il a porté le maillot de 12 clubs différents, transitant par presqu’autant de championnats : Serbie, Moldavie, Russie, Turquie, Espagne, Grèce et enfin Belgique. Excusez du peu !

Nombreux seront ceux qui pointeront dans cette interminable énumération, les indices d’une instabilité dans le chef du Bosnien. De chas en aiguille, les mêmes esprits verront aussi dans les célèbres frasques de Vranjes, la confirmation de leurs premières impressions.
Il est vrai que les récits émaillant les dernières années du défenseur ont davantage relevé de la rubrique des faits divers que de celle des sports : cartons stupides, posts inappropriés sur les réseaux sociaux, relations amoureuses sulfureuses, tatouages controversés et autres bagarres sont autant de péripéties dont la presse s’est emparée avec délectation. Vranjes est comme on dit dans le jargon, un bon client mais gardons-nous de juger sans savoir.

Au lieu d’évoquer une énième fois les dossiers brûlants, je tenterai de dresser un portrait aussi fidèle que possible de Ognjen Vranjes afin d’apporter un éclairage sur la complexité de sa personnalité et sa conception du football.

Comme souvent, c’est en remontant aux sources qu’on trouve des éléments de réponse.
Le 24 octobre 1989, Ognjen Vranjes voyait le jour à Banja Luka, deuxième plus grande ville de Bosnie-Herzégovine après Sarajevo pour le plus grand bonheur de ses parents et de son frère Stojan, son aîné de 3 ans.
Hélas, la dislocation de l’ex-Yougoslavie, elle-même conséquence de l’effondrement du bloc communiste et la résurgence de profonds sentiments nationalistes, allait conduire à de multiples guerres dans la région, notamment en actuelle Bosnie-Herzégovine (1991-1995).
La Bosnie-Herzégovine regroupe alors essentiellement 3 ethnies (Bosniaques, Serbes et Croates) et 3 religions (catholique, orthodoxe et musulmane). Un cocktail pour le moins explosif ! La famille Vranjes appartient à la minorité serbe de Bosnie et comme chacun le sait, entre le marteau et l’enclume, la vie des minorités est rarement un fleuve tranquille.
Ainsi, durant 5 mois, Ognjen et Stojan furent-ils contraints de s’abriter dans les caves pour se prémunir des raids aériens de l’armée croate.
Vous conviendrez qu’un pareil départ dans la vie puisse forger des caractères trempés.

L’appartement des Vranjes est situé dans un quartier situé en contrebas de la colline Starcevica, point culminant de Banja Luka, dans une rue attenante à un boulevard au trafic chargé.
C’est dans ce quartier modeste qu’Ogi a grandi. Il y a ainsi fréquenté l’école primaire et plus tard, il devait s’y marier à l’église orthodoxe. C’est sur la petite plaine verte de ce quartier, qu’Ogi et Stojan effectuèrent leurs premiers dribbles sous les conseils avisés de leur papa footballeur. Petit garçon, Ogi n’était pas facilement impressionné et bien que pas plus haut que 3 pommes, il n’avait déjà peur de rien, ni de personne. Il semble que ce soit dans ses gênes tant les membres de sa famille sont des personnes d’un courage remarquable dixit Ognjen Dubocanin, son ami d’enfance.
Toute la jeunesse d’Ogi allait être guidée par une seule obsession, celle d’être footballeur professionnel à l’instar de son père Zeljko, sportif accompli, l’honnêteté faite homme, qui avait défendu les couleurs de Borac Banja Luka, le club le plus populaire de la minorité serbe de Bosnie. Succéder au héros de son cœur et faire la fierté de sa communauté ont ainsi constitué les sources puissantes de son incroyable motivation.

Ainsi, dès la fin de la guerre (1995), Vranjes rejoignit les équipes d’âges du Borac. Dès les U15, il commença à faire parler de lui au point d’être considéré comme le jeune joueur le plus talentueux ayant jamais évolué au club. L’impatience était grande de le voir bientôt évoluer en équipe fanion. Poursuivant sa progression, il intégra l’équipe des U18 alors emmenée par Stojan Malbasic, une légende de Borac avec qui, il avait remporté en 1988 la coupe de Yougoslavie au détriment du géant de l’Étoile Rouge de Belgrade.

Le joueur devenu entraîneur le décrivait comme un joueur au tempérament si impressionnant qu’il comprit immédiatement que le gamin ferait le grand saut vers l’équipe pro plus vite que son ombre, ce qu’il fit à l’âge de 18 ans à peine.
Comme son père, il faisait d’emblée preuve d’un engagement physique hors du commun, concentré, travailleur acharné aux entraînements, l’équipe pouvait compter sur lui à chaque minute de la rencontre. Vranjes n’était pas ce qu’on pourrait appeler un footballeur élégant mais plutôt un joueur de caractère. Quelques autres jeunes avaient bien autant voire davantage de talent que lui mais il les dominait tous sur le plan de la détermination et du fighting-spirit.

Marko Maksimovic, directeur sportif de Borac, qui a vu grandir Vranjes depuis qu’il a 5 ans, sait les sacrifices et efforts qu’il a faits pour réussir et il résume sa recette  en 3 mots : Travail, Travail et Travail !
Fort au duel, dès qu’il avait récupéré le ballon, il le transmettait en première intention au médian disponible. Engagement, simplicité et efficacité ont ainsi constitué depuis toujours la signature de son football. Aujourd’hui encore.

Mais voilà, Banja Luka est une petite ville, dans un petit pays ! Ogi a beau faire partie des meilleurs joueurs de sa génération, dans cette pauvre région, cela ne mène guère loin, à moins d’un petit coup de pouce de dame chance. Ce qui sembla se produire en 2009 lorsqu’il fut transféré à L’Etoile Rouge contre la somme de…100.000 euros ! L’Etoile Rouge de Belgrade, vainqueur de la Coupe d’Europe des Clubs Champions en 1991 accueillait Ogi Vranjes. Quelle fierté pour tous les habitants de sa ville natale ! Quel bonheur pour lui-même, supporter depuis son enfance du géant serbe.

Il ne parviendra hélas jamais à s’y imposer. Trop jeune sans doute pour un club trop grand. Cette mauvaise chanson est hélas bien connue de nombreuses promesses. Ainsi commença la valse à 12 temps, de club en club, avec des succès çà et là plutôt mitigés jusqu’à son arrivée en Janvier 2017 à l’AEK d’Athènes. Chez les Hellènes, il filera le parfait amour footballistique, il aime ce club et ses bouillants supporters le lui rendent bien. Là, il deviendra le défenseur central incontournable qui a séduit le RSCA, disputant 34 matches toutes compétitions confondues avec un bilan de 4 buts marqués et 15 cartons jaunes pour un total de 3004 minutes de jeu, soit une carte tous les 2 matches.

Cette collecte généreuse de bristols lui a valu une réputation bien relayée par la presse et auquel l’arbitrage belge n’est d’ailleurs pas resté insensible.  Il est toutefois à noter qu’il n’avait pris aucune carte rouge directe. Sous l’impulsion de Vanhaezebrouck, il est transféré à Anderlecht le 1er juillet 2018 pour la somme de 3,2 millions pour une durée de 4 ans. Rapidement écarté pour les raisons que l’on connaît, il repartira un an plus tard en prêt refaire le bonheur de l’AEK. Cet été, il s’en est fallu de peu qu’il y séjourne un an de plus. Des négociations difficiles l’ont poussé à rentrer à Bruxelles. Sans poser de problèmes, il a, comme à son habitude, travaillé sans relâche pour être prêt à assurer sa prochaine mission, sans savoir où elle le mènerait.

La retraite de Vince et la blessure de Cobbaut ont alors rebattu les cartes. Vranjes, le paria d’hier se voyait offrir aujourd’hui une infime chance de remettre les compteurs à zéro et d’être à nouveau considéré comme un footballeur et pas autre chose.  Cette opportunité, c’est à 2 mains qu’il s’y cramponne à la plus grande joie de nombreux supporters du Sporting. Son engagement et la simplicité de son jeu ont immédiatement apporté de la stabilité dans la défense mauve. Au-delà des enseignements tirés de son parcours personnel, il apportera en outre à nos purple talents son expérience des grandes rencontres européennes, celle des matches dans des stades surchauffés peuplés de 50.000 fanatiques, tout ce qu’en somme, ils ne connaissent pas encore.

Ogi a aujourd’hui 30 ans bien sonné. Comme le bon vin, il s’est assagi et amélioré. Passionné de pêche, il se ressource dès qu’il le peut auprès de la nature. Davantage prudent, il prend désormais soin de séparer méticuleusement ses vies privée et professionnelle. Il anticipe mieux les pièges tendus par une certaine presse toujours friande de sensationnel. Ogi a incontestablement mûri. Après 10 ans de service auprès de la sélection Bosnienne, il a refermé le chapitre de sa carrière internationale. Ses rapports avec Kompany semblent au beau fixe, son respect envers notre icône est d’ailleurs sans limite, n’hésitant pas à dire que son coach est un visionnaire et qu’il donnerait jusqu’à sa dernière goutte de sueur pour lui. Cela lui ressemble tant. Entier, honnête et sans faux fuyants.

A un journaliste qui, en référence à son tatouage de l’AEK, lui demandait s’il restait encore un peu de place sur sa peau pour l’emblème du RSCA, notre Vranjes répondit avec toute la franchise qui le caractérise, qu’il y penserait le jour où il ressentirait autant d’amour à Anderlecht qu’il en avait reçu à l’AEK. Pourquoi pas ? Il est en effet de très belles histoires d’amour qui ne commencent pas sous les meilleurs augures et qui finissent pourtant en mariage heureux.
Qu’on se le dise, Ogi Vranjes, ne fait et ne fera pas dans la demi-mesure et chacun pourra l’aimer ou le détester.
En ce qui me concerne, les choses sont tout aussi claires, si je me régale des beaux gestes d’un technicien comme Yari, j’ai aussi un faible pour les fortes personnalités qui mouillent le maillot de la première à l’ultime seconde et qui nous rendent fiers de soutenir nos couleurs.

Alors, oui, je l’affirme sans retenue, Vranjes est irrésistiblement attachant et il me plairait beaucoup qu’à l’instar de Wasyl, il grave, un jour, notre blason à l’encre mauve dans sa chair car cela signifiera qu’il a trouvé à l’ombre de Saint-Guidon ce qu’il cherche depuis si longtemps : le cœur des supporters bruxellois.

Que vous soyez ou non sous le charme de cet autre revenant, n'hésitez pas à commenter !



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