"Jean Dockx, Jean Dockx, Jean Dockx,..." Pendant une vingtaine de minutes, des milliers de supporters chantaient et réclamaient à Goethals de faire entrer 'papa Doc'. Là, au Parc des Princes, pour la finale de la Coupe des Vainqueurs de Coupe, le marquoir affichait 4-0. L'entraîneur était trop euphorique. Il se demandait probablement pourquoi le jeune Vercauteren lui faisait des signes vers le banc de touche. L'assistant Martin Lippens allait alors murmurer aux oreilles de Raymundo: "Coach, les supporters veulent Dockx et Vercauteren veut bien laisser sa place". A trois minutes de la fin du triomphe contre l'Austria de Vienne, Goethals céda aux exigences du public. A 37 ans, Dockx pouvait faire une ultime apparition dans une finale européenne. Peu après, Anderlecht organisait son match d'adieu. La rencontre de gala ne passa pourtant pas trop bien: Jean se blessa sévèrement et mettait ainsi un terme à une longue et imposante carrière de façon assez douloureuse. Bilan: 35 sélections nationales, 2 titres de champion avec Anderlecht, 4 Coupes de Belgique, 2 Coupe des Vainqueurs de Coupe et une Supercoupe contre le Bayern Münich.
Plus tard, il découvre même, en tant qu'assistant de Goethals, comment son maître pouvait se laisser aller par les événements. "Coach, on ne peut plus faire de remplacements, on en a déjà effectué trois". Jean raconte l'anecdote avec son ton sarcastique qui le caractérise si bien. Le 22 novembre 1967, Constant Vanden Stock, alors directeur technique du Sporting, lui accorda sa première sélection avec les Diables Rouges. Lors de la Coupe du Monde 1970, il pouvait compter sur la confiance absolue de Goethals. Le milieu de terrain du Racing White avait conquis une place dans une équipe composée pour la plupart de Brugeois, Liégeois et Bruxellois. Malgré cette Coupe du Monde ratée pour les Diables, seul Dockx avait atteint le niveau espéré. Raymond allait lui laisser sa place de titulaire. En 1976, l'entraîneur le plus médiatisé de l'histoire du foot belge allait faire un pas en arrière. Le chemin des deux hommes allait à nouveau se croiser entre 1987 et 1989. Dans son entente avec les Bruxellois, le Malinois Dockx s'en est toujours bien tiré. Il était reconnu pour son sérieux, sa sobriété et son humour.
Né le 24 mai 1941 à Sainte-Catheline-Wavre, Dockx évolua au FC Malines, club proche de son domicile. C'est à 16 ans qu'il allait faire ses grands débuts en équipe première à Malines. Les huit saisons suivantes, le petit prince allait devenir le symbole de son club. Lors de la saison 1966-1967, Dockx s'occasionna une grave blessure. Les dirigeants de Malines craignaient la fin de sa carrière. Mais il n'en fut rien, et il fut transféré au Racing White, promu en D1. Sous les ordres de Norberto Höfling, on pointait alors Dockx comme étant la pièce maitresse de toute une génération (Waseige, Stassart, Wynants, Carlos Lua, Paulinho...) qui savait trop facilement se retrouver parmi l'élite, et en 1969 il dipsuta la finale de la Coupe. Le Sporting, où Vanden Stock venait de prendre le commandement, fit un gros effort financier pour transférer le milieu de terrain malinois. Grâce à sa technique et à son sens tactique, les dirigeants bruxellois voyaient en lui le parfait complément pour Van Himst.
C'est donc seulement à l'âge de 30 ans que Dockx enfilait le maillot mauve pour ma première fois. Grâce à une longue carrière (jusqu'à 37 ans), Docks allait néanmoins se construire un solide palmarès. Après des débuts délicats, il allait rapidement devenir un titulaire indiscutable, notamment aux côtés d'autres figures emblématiques du Sporting, Rensenbrink et Kessler. Mais la sauce eut du mal à prendre. Alors que Kessler s'en sortait avec brio avec les nouveaux venus (Dockx, Van Binst et Broos), son entente avec les valeurs confirmées (Van Himst, Mulder, Plaskie, Kialunda) était moins harmonieuse. A la fin de la saison 1971-1972, Anderlecht parvenait néanmoins à réaliser le doublé. Dockx, témoin en 1963 de la défaite 1-4 contre Dundee United, a toujours affirmé que c'était la meilleure prestation des Mauves. "Ce n'était pas du football, mais un ballet. Je suis d'accord avec Van Binst quand il dit que c'était la meilleure équipe d'Anderlecht de tous les temps. Avec des gars comme Van Himst, Jurion, Verbiest, Puis, Hanon et les autres. Mais l'équipe dont je faisais partie, a joué 3 finales européennes d'affilée et avait autant de classe. De plus, on avait aussi des talents comme Rensenbrink, Vercauteren, Coeck, Thissen, Broos, Dusbaba, et l'opportuniste Swat Vander Elst". Contre Hambourg en 1977, il voyait une frappe mourir sur le cadre. Après le match, Dockx racontait, à 36 ans et épuisé, mais toujours avec son sourire légendaire: "Dommage, un but dans une rencontre si important aurait pu déboucher sur un transfert lucratif".
A ses 34 ans, alors qu'il était en fin de contrat, Anderlecht voulait le remercier, mais le club lui proposa finalement une prolongation de contrat d'un an. Il en fut de même lors des deux saisons suivantes. En 1978, après 394 matchs en D1, 45 buts et 38 rencontres européennes, le Malinois mettait un terme à sa carrière.
En tant que joueur-entraîneur, il joua d'abord à Bornem (1978-1980), et passa ensuite à Assent (1980-1982) pour remettre le club sur les bons rails. La saison 1982-1983 allait être synonyme de ses débuts en tant qu'entraîneur de première division. A Molenbeek, il avait sous ses ordres toute la génération Patrick Thairet, Franky Van Der Elst et Patrick Gollière. L'année suivante, l'Antwerp lui donnait sa chance. Des passages brefs donc. Dockx, sensible à toute forme de stress, se sentait mal à l'aise comme numero uno. Malgré les nombreux conseils de son entourage, il décida de s'investir plutôt en coulisses. En 1984, Dockx accepta avec enthousiasme la proposition d'Anderlecht de devenir l'assistant de Van Himst. Un rôle qu'il allait assumer pendant 15 ans, jusqu'en 1999. Il fut aussi désigné responsable de la cellule de recrutement et devait donc parcourir le monde à la recherche de nouveaux talents. Ensuite, sa fonction fut élargie à celle de directeur technique, reflet de ses compétences. Jean était l'assistant idéal, l'entraîneur n'avait aucun souci à se faire pour sa place, vu que Jean ne nourrissait pas l'ambition de devenir entraîneur. Pourtant, s'il avait voulu, il y aurait été. A Anderlecht évidemment, mais aussi au Standard de Liège, à Charleroi, et à La Gantoise. Du côté de Gand, on aurait voulu le voir à l'oeuvre avec son ami Johan Boskamp.
A l'image de certains anciens joueurs, Dockx n'allait pas hésiter à venir au secours de son club. C'était en 1998-1999. Avec Arie Haan, le Sporting se retrouvait en début de championnat à une histoire dernière place au classement, se faisait éliminer par Zürich en Coupe d'Europe et se faisait laminer 6-0 par Westerlo. Avec le duo Dockx-Vercauteren, le Sporting termina la saison à une brillante 3e place, en explosant le Standard 0-6 à Sclessin (Dockx: "Un moment unique, magique de ma carrière"). La recette de son succès? L'homme le résumait ainsi: "Haan avait perdu la confiance de certains joueurs en se risquant à des déclarations malheureuses dans la presse. En tant qu'entraîneur, il faut parler beaucoup à ses joueurs, être près d'eux dans les moments difficiles et adapter les entraînements afin qu'ils reprennent confiance. Franky et moi avons toujours cru en ce groupe et les résultats ont suivi".
Des paroles simples et sages, qui reflètent le calme de cet homme. Son décès a secoué Anderlecht. Le vide que Jean Dockx a laissé n'a toujours pas été comblé.
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