Café 'Le Poep', sur la Wolvenstraat, local du groupe de supporters 'Le Poep' : c'est dans ce café que Pierre Hanon a passé toute sa jeunesse. C'était un café populaire, où on ne disait rien de mal sur Anderlecht. Chaque dimanche matin, c'était le point de ralliement de plus de deux cent supporters qui se rendaient ensuite au stade, avec leur trompettes. "Un vrai café de football", se souvient Hanon. "Je me souviens encore de mon père qui m'encourageait à aller dans ce café après l'école pour leur faire des démonstrations avec une balle de tennis. Tout le monde me regardait et me disait : 'Montre une fois ce que tu sais faire, manneke'. Nous n'étions pas très aisé à l'époque, mais je n'ai jamais manqué de rien. Je dormais juste au-dessus du café, mais j'allais encore bien loger chez ma grand-mère qui habitait 50m plus loin, car il y avait parfois encore des gens jusque 3h du matin au café".
"Ma mère était aussi une supportrice fanatique d'Anderlecht. Lorsque j'ai joué pour la 1re fois, elle était dans les tribunes avec une cloche suisse, et les supporters demandaient parfois à Maria de chanter aussi. C'est ce qu'elle faisait, 'pour son manneke', comme elle disait".
En 1945, juste après la guerre, le petit Poep rejoignait le Sporting. "J'avais alors 7 ans, et je me suis retrouvé avec mes amis, entourés de 200 autres gamins sur les terrains d'Anderlecht. Le terrain avait été divisé en 4. Les buts étaient faits de simples piquets. Sur un coup-franc, j'ai même envolé l'un d'eux. Cela n'avait pas échappé à Polleke Huyghe, qui tenait tout à l'oeil, et la semaine suivante, j'étais convoqué non plus à 13h30 mais bien à 15h, ce qui signifie que j'allais pouvoir jouer avec un groupe plus avancé. On était alors 40 joueurs, et la semaine suivante, j'étais convoqué pour jouer un match".
"Je me souviens que chaque dimanche matin on regardait les joueurs de l'équipe adverse prendre le déjeuner à 11h avant la rencontre de l'après-midi. Marcel Decorte, 12 ans plus âgé que moi et alors une grande vedette du Sporting, racontait encore qu'il venait parfois un rien plus tôt pour me voir jouer. J'ai d'ailleurs toujours joué milieu droit. Presque toujours: à la fin de ma carrière, d'abord à Anderlecht puis au Cercle de Bruges, j'ai joué libéro".
"En équipes de jeunes, j'avais beaucoup d'avance sur mes camarades. Je devais toujours jouer dans la catégorie d'âge supérieure. J'ai ainsi débuté sous les ordres de Noulle Deraeymaecker chez les remplaçants du FC Liège. Je n'ai touché aucune balle, je me sentais ridicule".
Entre ses 14 et 16 ans, Pierre fut sélectionné à 3 reprises pour le tournoi juniors organisé par la FIFA, en 1953 en Belgique, en 1954 en Allemagne et en 1955 en Italie. Cette jeune équipe nationale était alors entraînée par Dugall Livingstone, ensuite par André Vandeweyer, qui entraina aussi les A. C'est à l'âge de 18 ans que Pierre Hanon débuta en équipe première au Sporting.
Après des débuts glorieux où il ne jouait que très peu, Hanon allait faire sa grande entrée en équipe première lors de la saison 1955-1956 quand Anderlecht disputait son premier match de Coupe d'Europe. Il avait alors 19 ans et faisait son service militaire dans la caserne de Saint-Nicolas. Le téléphone sonna tout à coup: Anderlecht avait besoin de lui pour le match retour contre Voros Lobogo car le titulaire Susses Degelas était malade et ne pouvait donc pas jouer. "C'était le jour même du match, je n'avais donc pas su me préparer. De plus, une autorisation du Ministère de l'Intérieur avait dû être nécessaire pour pouvoir me libérer. J'ai quitté la caserne sans même manger, et j'ai disputé le soir un match honnête. On a perdu 1-4 mais le gardien hongrois Fazekas avait sorti un tout grand match. En tout cas, j'ai prouvé au club qu'ils pouvaient compter sur moi et que je pouvais jouer au plus haut niveau. Gormlie voulait ainsi me faire jouer davantage. Mais ça n'allait pas, j'étais trop lent dans les 16 mètres. Il fallait être plus explosif et pouvoir mettre 3 joueurs dans le vent en un mouvement. J'étais plus un homme friand des longs ballons, des passes à 40 mètres et c'est grâce à ces qualités que j'ai intégré l'équipe fanion".
Lors de cette période, d'abord avec Gormlie, ensuite avec Sinibaldi, le grand Anderlecht s'affirmait, et jouait chaque semaine devant 30.000 spectateurs. Le Sporting partait aussi régulièrement en mise au vert. Les joueurs n'étaient pas encore des pros, tout le monde avait un boulot sur le côté. Pierre travaillait à la maison communale d'Anderlecht, et ce depuis 1956. Sa femme Jenny travaillait aussi pour la commune. Hanon: "Elle aurait pu se retrouver très haute placée, si je ne m'étais pas opposé à ce qu'elle suive une formation administrative. C'était une femme qui a toujours travaillé dur. Tant que les entraînements se déroulaient bien en soirée, il n'y avait aucun problème pour combiner avec mes horaires au travail. Mais ensuite, sous pression de Roosens, le club est devenu semi-pro, et on s'entrainait parfois l'après-midi. Je devais alors demander des autorisations spéciales au travail pour pouvoir aller m'entrainer. Je me levais plus tôt et je faisais l'impasse sur mon temps de midi. Certains collègues critiquaient ces arrangements. Et il y avait encore les matchs de Coupe d'Europe! Là je devais prendre carrément 3 jours hors de mes jours de congé".
Avec Sinibaldi, André Bérés, et Noulle Deraeymaecker, Hanon fut champion 5 fois d'affilée mais c'était surtout avec Sini que son niveau technique était le plus élevé. "Je me sentais très bien dans le système de Sini. La maison des artistes, voyez-vous?"
"Si Anderlecht était au mieux de sa forme dans les années 60? Difficile à dire, chaque période a son style. Maintenant, c'est impossible de garder le ballon pendant dix mètres sans se faire tackler. Le jeu est devenu trop violent. Je me souviens aussi du 10-0 contre Manchester. On a aussi été battu 3-0 par Liverpool, mais on aurait pu mettre plusieurs buts. Sinibaldi ne parlait jamais de l'adversaire. Il voulait toujours jouer son jeu. Malheureusement, on était trop faible".
Sa carrière chez les Diables fut aussi impressionante. Il débuta en 1958 et en 1969, il disputa son 48e et dernier match, contre la Yougoslavie. Son tir à distance faisait aussi des ravages en équipe nationale.
Entretemps, la fin de sa carrière approchait aussi à Anderlecht. Il reçut un match de jubilé contre l'AC Milan, mais passa son temps sur le banc lors des deux dernières saisons. Goethals put encore compter sur ses services en tant que libéro de l'équipe nationale. Les adieux ne furent pas nécessairement glorieux, mais "beaucoup de joueurs quittent leur club dans des conditions pas toujours optimale: Ceulemans au Club, Vercauteren et Rensenbrink à Anderlecht. Rensenbrink, avec qui je n'ai jamais joué, mais que j'ai déjà eu comme adversaire quand je jouais au Cercle, est selon moi le plus grand joueur de toute l'histoire d'Anderlecht. Je pense ensuite à Lozano, Van Himst et Vercauteren. Oui, Franky, pas uniquement pour son talent, mais pour l'homme en tant que tel. Dans la dernière génération, je ne vois que Marc Degryse".
Après Anderlecht, il a joué au Cercle de Bruges, d'abord en D2, et enfin deux ans en D1, au poste de libéro. Il était alors réputé pour ses coup-francs. Il se souvient d'une frappe contre le FC Bruges, lors du derby. "Une superbe volée, une première en Belgique".
Après sa carrière en tant que joueur, il devint aussi entraineur de Mons, qu'il amena en D2. Ensuite, il passa entraineur des jeunes d'Anderlecht. Il fut ensuite entraineur UEFA et avec l'arrivée de Peruzovic en tant que T1, il passa responsable de la cellule de scouting. "Ma première mission était de visionner Kiev, mais l'équipe a été éliminée au tour précédent par le PSG. Après le départ de Peruzovic, un gentleman soit dit en passant, j'ai arrêté de remplir cette fonction. Mais Jenny et moi partons toujours volontiers en voyage, on a régulièrement visité les USA ces dernières années".
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